« Ce n’est pas le passé qui éclaire le présent ni le présent qui éclaire le passé mais le neuf et l’ancien qui s’entremêlent. Le passé n’est pas un point fixe, immobile, qu’on puisse espérer approcher, mais une image unique qui s’évanouirait si on ne la réveillait pas par le travail du ressouvenir. » Georges Didi-Huberman
Résidence au C33, chez la Cie des Oeillets, à Ivry-sur-Seine du 11 au 17 octobre 2021.
RESSOUVENIR (60mn).
Metteuse en scène, comédienne, plasticienne : Fabienne Retailleau
L'Europe a décidé de fermer ses frontières une bonne fois pour toutes en mars 2016.
Dans la première partie du spectacle, le poème de Niki Giannari « DES SPECTRES HANTENT L’EUROPE » parle du camp des migrant·e·s d’Idomeni, en Grèce, de ces « embarbelé·e·s » qui veulent juste traverser, « Ici, dans le parc bouclé de l’Occident… ». Cette humanité telle des fantômes qui hantent l’Europe. On ne peut s’empêcher de penser à tous ceux et à toutes celles qui ont été parqué·e·s, un jour, quelque part.
Dans la deuxième partie du spectacle, « LE FOND DES CHOSES » extrait de CE QU’IL FAUT DIRE de Léonora Miano, il est également question de frontières. De quelle manière l’Occident, qui refoule aujourd’hui les migrant·e·s, a-t-il défini ses relations avec le reste du monde ?
Pourquoi est-il aussi difficile d’accueillir ? Depuis quelques années, je m’interroge autour de l’accueil. Être accueillie à domicile pour installer, sur une façade, une banderole « A LA RECHERCHE D’ACCUEILLANT.E.S », le temps d’une photographie ; être accueillie à domicile avec un spectacle « Porte-Clefs », etc. Puis, il y a les interrogations sur les migrations, l’immigration, les fuites et l’exil.
« RESSOUVENIR » se situe dans la continuité de ma recherche autour de l’accueil.
« Je ne veux plus entendre parler du problème de l’accueil, des migrant·e·s et puis on veut nous faire culpabiliser avec l’Afrique ! » m’a dit ma voisine.
Les épidémies, le réchauffement climatique, les conditions infâmes faites aux plus faibles, aux femmes, aux filles, aux enfants, aux artistes, aux contestataires … ne vont pas tarir le flot humain vers des contrées semblant plus riches et plus protégées.
La planète brûle mais en Europe et en Amérique du nord, nous souhaitons regarder ailleurs.
Cela n’empêchera rien. Depuis la nuit des temps, c’est avec ces mouvements que notre monde s’est construit. C’est ce qui en fait la richesse.
« Oublier le passé, c’est se condamner à le revivre » Primo Lévi.
DES SPECTRES HANTENT L’EUROPE
extrait de PASSER, QUOI QU'IL EN COÜTE de Georges Didi- Hubermann et Niki Giannari.
Des chaises en cercle, tournant le dos au centre, le public ÉCOUTE le poème de Niki Giannari dans la pénombre.
Les yeux fermés, il entend, murmurer à son oreille et/ou au loin, comme un cri. Tels « Des spectres qui hantent l’Europe », ils sont là, ils cheminent. Il y a aussi des enfants qui jouent, un train qui passe, l’hymne européen… (ambiance sonore).
LE CHOEUR « amateurs »
En fonction du lieu de représentation, la Cie Théâtre du Cyprès fait appel à des amateurs, amatrices qui souhaiteraient participer au spectacle. Le nombre de « choreutes » dépend de l’espace et des désirs des participant.e.s.
Deux ou trois répétitions seront nécessaires avec le groupe avant la présentation (voir page 9 - Informations pratiques).
+++ Enchaînement sans entracte +++
LE FOND DES CHOSES
extrait de CE QU’IL FAUT DIRE de Léonora Miano.
Le public se retrouve face à un pupitre.
C’est une conférence jouée par Fabienne Retailleau. La parole de Léonora Miano célèbre la poésie dans ce qu’elle a de plus politique, la poésie et le politique réunis. La parole prise, activement, de droit, la parole vive, qui devient action par son incantation. Des mots, au fond des choses, qui engagent, forcément et parfois brutalement le corps.
La langue de Léonora Miano est musicale. Elle utilise tous les registres de langue, et de temps à autre, ponctuellement, une présentation de type calligramme. Il n’y a pas de ponctuation juste des majuscules à l’intérieur des phrases.
Les photographies des façades "À la recherche d'accueillant·e·s" sont projetées fond de scène avec un vidéo projecteur. Le public est installé face à la conférencière.
Les plantes-barbelées* sont à l’avant-scène, leurs ombres viennent se projeter sur la comédienne et les photographies.
* 3 bacs à fleurs, 4 plantes barbelés (hauteur maximum 1m70) dans chaque bac rempli de terre. Des tuteurs et des triangles de tissus accrochés aux barbelés.
Dans une conférence « classique », les bras sont peu utilisés, ils sont au service des mains. Ils sont souvent devant la personne et « un peu » sur les côtés.
Pour la conférence LE FOND DES CHOSES, les mouvements des bras sont, au contraire, comme le moteur, le centre de l’expressivité.
L’amplitude des bras est totalement utilisé et augmenté, soutenu par la lumière du vidéoprojecteur. Cela renforce encore l’idée de démesure.
Les mains dans le prolongement des bras sont utilisées dans toute leur expressivité comme des marionnettes.
Tel un rapace surplombant sa proie, les angles pointus des articulations des bras et des mains sont privilégiés. Les courbes arrondies, harmonieuses sont évitées.
L’expression du visage est grimaçante.
Les jambes et le bassin soutiennent ce torse en mouvement.
Un pantin ? Une machine ? Un oiseau géant ?